Après la Nuit Décousue, la team des Minuiteux·ses déboule derrière le poste comme chaque mardi soir pour en découdre avec la nuit sur la plus rebelle des radios ! Au programme de ce soir :
La diffusion du documentaire "A l’isolement", réalisé pour la Nuit Décousue qui revient sur l’histoire de l’isolement carcéral et des luttes qui l’ont entouré depuis les années 1970, en compagnie de Mohamed Hocine et Nadia Ménenger.
Un épisode du podcast Parloir "Libre Flot" où l’on entend le témoignage de Libre Flot, un des inculpés du 8/12, qui écrivait en 2021 depuis l’isolement carcéral dans lequel il était plongé depuis plusieurs mois.
Version texte du documentaire :
Trust (Le Mitard, 1980) : Il tourne en des milliers de pas qui ne mènent nulle part
Archives INA (1980) : La prison de Fresnes, ses larges couloirs, ses parquets, ses grilles, ses longues enfilades de cellules où le moindre bruit se répercute
Trust : Dans un monde de béton aux arbres de barreaux fleuris, fleuris
Archives INA (1980) : Et puis dans une ailes de la prison au RDC derrière un portique électromagnétique, le monde clôt des quartiers de haute sécurité, les QHS.
Trust : De désespoir
Archive INA (1980) : De vieilles images pour les QHS puisque ces quartiers de haute sécurité ont été supprimé le 5 novembre 1981
Emission TV : Journaliste « Qu’est-ce qu’ils font ici les détenus ? » Maton « Comme ils le font dans n’importe quelle cour de promenade ils tournent, bon la différence avec une cour de promenade ordinaire c’est qu’ils sont seul. »
Mohamed Hocine : Le jour où j’étais à l’isolement j’ai chanté une chanson et le surveillant il a ouvert la porte « M. Hocine, article tant » je me rappelle plus l’article « article tant, vous avez pas le droit de parler, vous avez pas le droit de chanter. » C’est là que j’ai découvert l’isolement.
Nadia Menenger : Comment c’est possible qu’une situation ait pu révolter autant de gens dans les années 1970 jusqu’à mener à la fermeture des QHS comme étant au niveau électoral quelque chose qu’il fallait absolument abroger et comment aujourd’hui, alors qu’il y a plus encore d’isolement on en parle plus, et que ça nous parait même plus choquant ? Retour ligne automatique
Comité pour l’abolition de l’isolement carcéral (CAIC) au micro de Radio Libertaire (1989) : Donc ils se sont quand même déplacés au procès, ils envoyé quelqu’un, maintenant leur commission d’enquête naturellement ils ont pas voulu qu’un membre du comité y participe puisqyu’ils ont fait ça entre gens de bonne compagnie, nous onf ait pas bien dans le paysage. Donc la commission d’enquête là-dessus on a aucune nouvelle. Sinon, ça c’était novembre 1988, après on a fait un concert, un meeting de soutien le 29 janvier 1989 où on a réussi quand même, on était assez content à réunir 500 personnes autour de ce problème de l’isolement carcéral.
Nadia Menenger : Même tu vois à la limite on pourrait repartir sur les bagnes puisqu’il y avait même dans les bagnes un bagne de haute sécurité qui s’appelait l’ile du Diable. Donc la forme de l’isolement pour les plus réfractaires pour ceux que l’AP ne pouvait pas gérer, ne savait pas gérer et voulait casser, il y a toujours eu une forme d’isolement hyper sécuritaire dans les bagnes et puis après par la suite quand les bagnes ont été sup^primé très tardivement. Après uil y a eu Mende, des prisons qui avaient pas vraiment de statut dans un premier temps, où étaient enfermés dans des conditions absolument éppouvantable les prisonniers qui s’évadaient, qui se révoltaient ou que l’administration ne pouvait pas gérer.
Comité pour l’abolition de l’isolement carcéral (CAIC) au micro de Radio Libertaire (1989) : Qu’est ce qu’on a fait après ? L’action, la première c’était celle de la Ligue des droits de l’homme, ensuite on a faitune petite apparition lors de la manifestation des matons aussi. Donc avec une banderole on a été photographié, bon il en est pas sorti grand-chose. Ensuite on a fait d’autres choses en corrélation sur le problème aussi de la prison en général puisque les associations travaillent conjointement, donc il a eu le soutien aux mutins de Poissy...
Nadia Menenger : Il y a eu dans les années 1970, des luttes absolument incroyables. Ce qui était intéressant et ce sur quoi j’ai envie de revenir, c’est qu’à la fois elles étaient menées par des prisonniers sociaux, on les connaît, les noms ne nous sont pas étrangers : Mesrine, Knobelpice, Taleb adjad, devrielle... Fin y’a eu pleins de prisonniers, qui étaient sovuent incracérés pour des très longues peines et qui se retrouvaient dans les QHS et qui ont mené de s luttes extrêmement dures, qui ont fait de leurs procès des procès contre les quartiers de haute sécurité. Et ce qu’il y avait d’intéressant à l’époque surtout après l’incarcération de militants d’extrême gauche de la cause du peuple, une politisation de la question carcérale.
Et du coup y’avait des collectifs à l’extérieurs menés à la fois par des intellectuels mais aussi par une frange très large de la population : y’avait des lycéens qui s’y intéressaient, des ouvriers, fin bon pleins pleins de gens très différents étaient abonnés au journal du GIP et après du CAP pour s’informer de ce qu’il se passait à l’intérieur et qui étaient relayées entre autres par un journal quotidien, Libération… Donc c’était vraiment un sujet de société qui était largement diffusé.
Lecture du journal Comité d’Action des prisonniers, n°39, août/septembre 1976 : Il existe à Lyon St-Joseph un de ces nouveaux bâtiments que Monsieur Lecanuet réservait d’après ses dires aux grands délinquants. Dans ces bâtiments spéciaux, c’est l’isolement total 23h sur 24…
Archive Serge Livrozet (1978) : Depuis deux ans que le Comité d’Action des prisonniers existe, il a créé un journal qui s’appelle le CAP, qui est tiré à 5000 exemplaires et nous avons des buts précis qui n’ont jamais été pris en considérations. Qui sont la suppression du casier judiciaire, qui sont la suppression de l’interdiction de séjour, le droit au SMIC quand on travaille, c’est-à-dire à travail égal salaire égal et nous avons le but d’informer également. Nous informons la population, les gens contraiement à ce que dit la presse d’ordinaire sur les véritables conditions de détention et sur ce que sont véritablement les détenus qui sont des ouvriers, 95% des gens qui sont emprisonnés sont des ouvriers. Retour ligne automatique
Lecture du journal Comité d’Action des prisonniers, n°39, août/septembre 1976 : J’ai été pendant plus d’un an « pensionnaire » du QHS des Baumettes. Les conditions de détention, les locaux, les grillages, barreaux etc. tout est exacte. Ce n’est pas le pire. Le pire est le comportement des gardiens affectés à ce QHS comparable à des SS. Il faut avoir vécu cela pour y croire. […] Je m’appelle Jean TADDEI, je me nomme et je nome aussi deux surveillants avec lesquels j’ai eu des mots pour cela : Ballestrière, le surveillant le plus traître du QHS Baumettes et Bastien, l’hypocrite, le lâche. […] Chaque détenu envoyé au mitard est une victoire pour eux. Prisons quatre étoiles, oui brave gens, c’est des milliers. Celles des surveillants, celles qu’ils portent sur leurs casquettes. Le reste, c’est de la merde.Retour ligne automatique
Nadia Menenger : Et d’ailleurs, bon il y a eu plein plein de luttes à l’époque sur ces questions-là. La question était tellement importante, la question de l’isolement comme torture, comme moyen l’élimination des prisonniers, comme moyen de censurer aussi, d’oublier les prisonniers dans des espèces d’oubliettes modernes qu’étaient les quartiers de haute sécurité, et bien ce sujet s’est invité aux élections présidentielles de 1981 et sur le programme de Mitterrand y’avait la suppression des quartiers de haute sécurité. D’ailleurs quand tu discutes des fois avec des gens, les gens ils disent « Mais non ça a été aboli en 81… » Non. Ça a pas du tout été aboli en 1981 puisque c’est réapparu sous une nouvelle appellation. Les socialiasites étaient très forts à l’époque pour changer le nom des choses sans changer leur nature et c’est devenu les quartiers d’isolement.
Mohamed Hocine : Ouais après on les appelé les QI, ça existait plus les QHS. Les QHS c’est les quartiers d’isolement, c’est le nom qui a changé c’est tout.
Nadia Menenger : Et en fait dans la réalité y’avait pas grand-chose qui avait changé. Nous à l’époque donc du coup dans les années 1980, on a reçu pas mal de lettres, de témoignages de prisonniers qui étaient passés par les QHS et qui étaient à l’époque en quartiers d’isolement, nous dépeignaient des conditions complètement similaires et se sont battus eux aussi pour la fermeture des quartiers d’isolement.
Mohamed Hocine : Je m’appelle Hocine Mohamed, aujourd’hui j’ai 60 ans. J’ai grandi dans les Yvelines aux Mureaux, les quartiers populaires. Je suis rentré en prison trois fois, la troisième fois c’était pour attaque à main armée et j’ai pris 6 ans. J’ai pris 6 ans. Et après quand je me suis retrouvé dans la prison ‘jai commencé à militer, à rejoindre la coordination en lutte. T’avait les prisonniers qui avaient monté un collectif, ils se battaient pour la fermeture des quartiers d’isolement et contre différentes injustices. Je les ai rejoins et personnellement je me vraiment investi, j’ai porté ce collectif, ce collectif des prisonniers en lutte. Et suite à ça ils m’ont mis en quartier d’isolement.
Bah moi j’étais incarcéré tout au début à Bois d’Arcy, mais après avec l’isolement j’arrêtais pas de bouger, ils m’ont envoyé à Frsnes, à Fleury. A Fresnes j’étais dans la 1re division, où y’a une grille exprès pour tous les isolés. C’est au rez-de-chaussée, c’est fermé avec une grille. Tous les isolés ils sont là.
Dans les quartiers d’isolement, c’est pour les révoltés, moi j’ai connu les Basques, les Corses, beaucoup de prisonniers politiques et puis les droits communs. Moi j’ai connu Jean-Marc Rouillan et tout, Régis Lesserre à Fleury. Beaucoup les détenus révoltés quoi. Parce que à Bois d’Arcy j’ai connu y’avait des flics, y’avait un flic il s’appelait Loiseau mais lui c’était pour sa protection tu vois l’isolement. Lui il demande la douche on lui donne tout de suite. Il était à l’isolement mais c’est pour lui. Sinon y’avait aussi à Bois d’Arcy les travestis, qui étaient enfermés pour leur sécurité à eux aussi.
Et sinon c’est les révoltés qui sont là-haut. L’isolement, t’as même pas le droit de parler Le jour où j’étais à l’isolement j’ai chanté une chanson et le surveillant il a ouvert la porte « M. Hocine, article tant » je me rappelle plus l’article « article tant, vous avez pas le droit de parler, vous avez pas le droit de chanter. » C’est là que j’ai découvert l’isolement, même parler même chanter t’as pas le droit.
Bah moi déjà c’est la répression qu’il y avait dans la prison qui me révoltait, les matons qui étaient hyper durs. Je suis tombé sur un maton qui s’appelait M. Juin, lui il avait même tué un jeune en 1974 qui s’appelle Nerval. C’est une vieille histoire, le jeune qu’on avait tué dans un ascenseur alors qu’on le ramenait au mitard. Et moi j’ai eu affaire à ce 1er surveillant, c’était un surveillant qui avait refusé, tu vois Badinter à un moment il avait demandé aux matons d’enlever les casquettes, et lui il refusait d’enlever sa casquette. C’était un maton facho, tout le monde le connaissait. Et lui il m’a fait la misère. Il m’a vraiment fait la misère. Le soir il passait il donnait des coups de pieds dans ma cellule, il me disait « Alors toujours pas suicidé ? » Tu vois à cause de lui je dormais avec un stylo tellement j’avais peur qu’il rentre dans ma cellule pour me suicider que je dormais avec un stylo comme ça je me disais s’il rentre je peux me défendre.
C’est ça qui m’a motivé. J’écoutais souvent Parloir Libre à l’époque et ils disaient la plateforme des prisonniers en lutte et je me retrouvais à 100% avec toutes les revendications qu’ils avaient à l’époque, ça m’intéressait, c’était vrai. Et je les ai rejoint. Je l’appelais la « forme triangle » c’était la radio, par exemple y’a plein de prisonniers qui étaient pas avec moi dans la prison et qui étaient dans une autre prison, mais souvent les prisonniers écrivaient des lettres à Parloir Libre et à Parloir Libre ils lisaient les lettres, et y’avait plein plein d’informations. Moi je en prison je me suis formé comme ça, je me suis formé en écoutant les lettres des camarades qui étaient lues à la radio. Ils abordaient plein de problèmes sur la pénitentiaire et plein de choses que je connaissais pas, j’ai appris en écoutant la radio. En écoutant la lecture des lettres, y’a plein de choses que j’ai commencé à comprendre. J’étais d’accord à 100% avec eux et moi aussi après quand j’écrivais, j’écrivais dans le même sens.
Trust : Pauvres chiens me dites vous en voilà une erreur
C’est un homme madame, il est emprisonné.
Nadia Menenger : C’est des quartiers où y’a des cellules individuelles, parfois mêmes où il peut y avoir deux trois prisonniers qui sont en quartiers d’isolement tous seuls dans un secteur.
Mohamed Hocine : Franchement à l’isolement c’est tout pareil, t’as la table en béton, le siège en béton, et quand tu sors pour aller au parloir t’entend « Bloquez les mouvements ! Bloquez les mouvements ! » Personne doit être dans les couloirs, y’a un maton et un surveillant chef qui viennent t’ouvrir la porte pour t’accompagner au parloir.
Archive INA (1982) : Présentateur « Quartier de sécurité renforcé d’Evreux. 9h, la cour de promenade. 7 mètres de long, 2,5 mètres de large. 1h le matin, 1h l’après midi. Dans ce bâtiment isolé du reste de l’établissement, les détenus ne verront jamais l’extérieur. 21 cellules, 11 sont occupées pour le moment. Surveillance draconienne, 4 gardiens pour 1 détenu. Nul besoin d’avoir tué qui que ce soit pour s’y retrouver. » Directeur de détention « Dans les maisons centrales et dans les centres de détention où la population pénale est très importante, les chefs d’établissement ne peuvent pas se permettre de garder parmis leurs détenus des perturbateurs, des meneurs. A la suite d’un rapport qu’ils adressent à la direction centrale, à l’administration centrale, celle-ci… »
Nadia Menenger : Ca veut dire avoir aucun rapport avec personne, avec aucun priusonnier. N’avoir que des rapports avec des surveillants, souvent des rapports conflictuels et violents. Et on avait reçu pas mal de témoignage à l’époque qui expliquaient comment jour après jour, en fait, tu pouvais devenir complètement fou.
Mohamed Hocine : T’as un lit par terre, c’est du béton par terre, là où tu poses ton matelas. T’as une porte pour ouvrir et dès qu’ils ouvrent la porte derrière t’as une grille, une porte en grillage tu vois, où y’a juste un petit trou où ils passent le plateau. Donc t’es enfermé derrière la grille. Moi je faisais mes abdominaux sur la grille avec les barreaux et le surveillant Juin, à chaque fois que je partais en promenade il mettait de la lacrymogène dans la cellule et sur les barreaux exprès comme ça il savait j’allais prendre la lacrymogène en touchant les barreaux. Il faisait ça rien que pour me faire la misère parce qu’il savait que je faisais souvent mes abdominaux en mettant mes pieds sur les barreaux.
Nadia Menenger : Parler tout seul, ne plus avoir aucune possibilité de mettre en disccusion, en réflexion, ce que tu penses. Tourner en rond, n’avoir plus aucun stimuli sensoriel puisque t’es complètement enfermé dans une cellule tout seula vrec une possibilité d’aller en promenade, bon je crois à l’époque 2h par jour mais tout seul dans une toute petite promenade, donc ce qui limite énormément tes possibilités de faire du sport etc. Donc petit à petit ta conscience et ton corps s’atrophient. Et énormément de prisonniers qui sont passés par les quartiers d’isolement sur des périodes extrèemement longues, on a des prisonniers, Thierry par ex il est resté 10 ans en quartier d’isolement, Gilles mon frère, 5 ans. Donc bon c’était des péroiodes extrêmement lopngues, on peut s’imaginer ce que ça veut dire d’être enfermé dans un cube de béton pendant des années complètement seul, sans avoir aucun rapport avec quiconque.
Mohamed Hocine : En vérité, moi je faisais beaucoup de sport parce que t’as raison c’est vrai, quand j’éais à l’isolement c’était à Fresnes, j’ai entendu un camarade et le mec il était âgé, moi je devais avoir 22-23 ans, le mec il était plus âgé, je l’entendais il pleurait, il disait « S’il vous plait laissez moi retourner en détention. » et le mec il chialait quoi. C’est vrai qu’à l’isolement tu peux te tuer, si t’es faible tu te tues, c’est clair. Tellemetn c’est atrocce, tu peux te tuer. Et moi je faisais du sport et que je restais dans la lutte. Je continuais la lutte même à l’intérieur, j’écrivais… Tous les bouquins que je lisais, de la bibliothèque, sur toutes les pages blanches je marquais « Rejoignez la coordination des prisonniers en lutte. » « Ecoutez la radio, tel jour de telle heure à telle heure ». Ils ont même trouvé les bouquins et ils me les ont fait payer, les bouquins et j’étais interdit de livre pendant au moins 6 mois. C’est ça qui me motivait, c’est ça qui faisait que j’oubliais la misère de l’isolement.
J’évitais de regarder par la fenêtre, même si tu vois rien. Comme y’a des grillages etc. c’est vrai que ça peut te déglinguer les yeux. Je regardais plus la fenêtre après, j’oubliais la fenêtre. J’oubliais la fenêtre. Je vivais, si tu veux, dans ma tête et dans ma vidéo intérieure. Je marchais dans la cellule et j’étais dans ma tête, c’est tout. Je regardais pas par la fenêtre.
Lecture témoignage Ulrike Meinhof : Le sentiment que la tête explose, le sentiment qu’en fait la boîte crânienne va se casser, exploser. Le sentiment qu’on te rentre de force la moelle épinière dans le cerveau. Le sentiment que le cerveau se ratatine comme un pruneau. Le sentiment que tu es sans cesse sous tension sans que cela se voie et que tu es téléguidé. Le sentiment qu’on te démolit les associations d’idées. Le sentiment de pisser ton âme comme quand on ne peut pas se retenir. Le sentiment que la cellule bouge, tu te réveilles, tu ouvres les yeux – la cellule bouge, l’après-midi quand le soleil brille, elle s’arrête d’un coup. Tu ne peux pas te débarrasser de ce sentiment que tu bouges. Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles : de fièvre ou de froid. Tu ne peux pas expliquer pourquoi tu trembles, tu gèles. Pour parler à voix normale, il faut des efforts comme pour parler très fort, il faut presque gueuler. Le sentiment de devenir muet. Tu ne peux plus identifier le sens des mots – tu ne peux que deviner – l’usage des sifflantes – s, ss, tz, sch- est absolument insupportable. Les gardiens, la visite, la cour semblent de celluloïd – maux de tête – flashes. On ne peut plus contrôler la syntaxe, la grammaire. Quand tu écris deux lignes, et à la fin de la seconde ligne, tu ne peux pas te rappeler le début de la première. Le sentiment qu’on se consume de l’intérieur, le sentiment que si tu disais ce qui se passe, si tu lâchais cela, cela sifflerait comme de l’eau bouillante qui le brûle pour la vie, qui le défigure. Une agressivité démente, pour laquelle il n’y a pas de soupape. C’est le plus grave, la conscience claire qu’on a aucune chance de survivre, l’échec total, pour faire passer cela ; de se faire comprendre à d’autres. Après les visites, c’est le vide. Une demi-heure après, tu peux seulement reconstituer mécaniquement si la visite a eu lieu le jour même ou la semaine précédente. Se baigner une fois par semaine, cela signifie au contraire se détendre pour un moment, se reposer, cela ne dure aussi que quelques heures. Le sentiment que le temps et l’espace sont imbriqués l’un dans l’autre. Le sentiment de se trouver au milieu de miroirs déformants, de tituber. Après : une épouvantable euphorie, parce que tu entends quelque chose, à cause de la différence acoustique entre le jour et la nuit. Le sentiment que le temps coule maintenant, que le cerveau se dilate à nouveau, que la moelle épinière redescend – pendant des semaines. Le sentiment qu’on t’a arraché la peau.
Nadia Menenger : Cette absence de relation, pour nous et qui se penche sur cette question là ne peut que être considérée comme une forme de destruction, de torture qui tue à petit feu les personnes qui y sont plongées. C’est une forme de torture blanche. Enormément de prisonniers qui sont passés par là sont devenus fous, se sont suicidés, ou pour ceux qui continuaient à se battre, étaient complètement révoltés quoi.
Mohamed Hocine : Et nous à Fresnes ont avait commencé à refuser le plateau, après moi je me suis mis en grève de la faim avec d’autres camarades. Y’en avaient qui restaient dans la promenade, qui remontaient pas de la promenade, y’avait plusieurs mouvements en même temps le même jour, plusieurs détenus se révoltaient. Moi c’est à partir de là qu’ils ont commencé à me mettre à l’isolement.
La directrice elle m’a convoqué elle m’a dit « on a retrouvé des tracts collés dans la salle d’attente, c’est votre écriture » ils ont comparé l’écriture de la lettre avec la mienne et ils ont dit que c’était moi qui faisait les lettres. Je faisais des lettres et je les collais dans les salles d’attente où je demandais aux camarades de rejoindre la coordination des prisonniers en lutte, d’écouter telles radio, tel jour de telle heure à telle heure, je parlais de Parloir Libre pour qu’ils aient des informations. Ils ont trouvé cette lettre collées dans plusieurs salles d’attente d’infirmerie.
Sur ma porte c’était marqué DPS. Hocine Mohamed, DPS. Ouais, détenu particulièrement surveillé. Ils me l’ont mis moi. Je suis un petit braqueur de cité et pourtant ils m’ont mis DPS parce que par rapport au fait que j’avais un esprit syndicaliste. Ils savaient que je faisais des lettres, que je portais le mouvement, que je me cachais pas, que j’avais pas honte de porter le mouvement, au contraire j’en avais rien à foutre du mitard, j’en avais rien à foutre de la répression. Je portais le mouvement jusqu’au bout, j’en avais rien à foutre. Ouais, moi ils m’ont mis DPS.
A Bois d’Arcy on s’est retrouvés dans la cour, j’ai vu la police charger à coup de crosse. Y’avait les matraques, avec les matraques ils faisaient leur sorte de bruit là « boum boum boum » sur les boucliers en marchant vers nous et j’ai vu après les coups de crosse, ils étaient derrière avec les fusils… A coup de crosse ils tapaient les gens. Dès qu’ils t’attrapaient le temps qu’ils te traînaient jusqu’à la porte pour te faire remonter au mitard et tout ça tu prenais des coups de matraque et des coups de crosse. Ça je l’ai vu ça à Bois d’Arcy. Bon après on avait l’habitude il fallait se mettre en boule, on se mettait par terre, voilà en boule, on bougeait pas et puis on attendait qu’ils viennent sur nous et qu’ils nous tabassent, c’est tout.
Nadia Menenger : Moi j’arrive juste à la fin des années 1970 où il y avait eu énormément de théorisation à la fois sur la question des statuts différenciés mais aussi sur la question des quartiers d’isolements, qui y allait… Y’a eu des statistiques qui sont sorties et c’est vrai qu’à l’époque il y avait énormément de prisonniers qui étaient en QHS pour des faits d’évasion ou de mutinerie. Y’avait des mouvements de soutien parce qu’il y avait aussi des luttes à l’intérieur dans les années 1980 : les prisonniers montaient sur les toits, faisaient des grèves de la faim, refusaient de remonter de promenade… Avec comme revendication prioritaire, principale la question de la fermeture des quartiers d’isolement, du mitard et du prétoire. En fait c’est toujours un peu les mêmes revendications qui revenaient au fur et à mesure des mouvements et qui étaient dénoncés lors des procès pour mutinerie. Et donc du coup à l’extérieur, on était dans les années 1980 quelques petits groupes comme ça en France, y’en avait un à Lille, à Marseille, à Paris… Et bah voilà quoi, on se battait en soutien aux luttes et en essayant d’accompagner, d’aider les prisonniers à faire sortir leur voix par le biais de journaux, de radios et puis aussi de présence devant les prisons quand y’avait des mutinerie ou de présence lors des procès pour mouvemment. Sur les luttes des années 1980 qui étaient vraiment énorme, j’ai écrit donc A ceux qui se croient libres et quand tu regardes la chronologie à la fin du bouquin des mouvements qui ont pu avoir lieu dans les années 1980 c’était énorme, y’en avait quasiment, pas tous les jours, mais quasiment. Sur l’ensemble de la France ça bougeait de partout. Vraiment de partout.
Mohamed Hocine : Faire comprendre aux camarades qui sont aujourd’hui dedans ce qu’on a pu faire à l’époque. Par exemple aujourd’hui les familles elles téléphones pour venir au parloir, ça c’est une revendication qu’on a eu à l’époque tu vois. A l’époque, nos familles étaient sous la pluie, t’avait pas d’abris. Maintenant ils ont commencé à faire des abris mais à l’époque elles étaient sous la flotte quand elles faisaient la queue pour le parloir. Et après ils ont accepté cette revendication. Mais après même cette revendication ils l’ont accepté parce qu’en vérité l’administration ça les arrangeait que les familles téléphonent comme ça y’a moins dehors, tu vois ils arrivent directement ils rentrent dans la prison pour le parloir. En vérité l’époque on était content quand même, ça faisait partie de la revendication. Pis les camarades d’aujourd’hui ils savent pas qu’on s’est battus pour avoir ça, c’est pas venu comme ça.
Y’avait ça, sinon y’avait le droit du travail, l’accident de travail, tout ça. Que quand on travaille on puisse avoir le même droit qu’à l’extérieur. Y’avait la fermeture de l’isolement, avoir un avocat au prétoire… Quand tu passais au prétoire, qui est le petit jugement avant d’aller au mitard, on avait demandé qu’on puisse avoir un avocat, on avait demandé qu’on puisse avoir des délégué, le droit associatif… Mais ça ça a jamais été accepté que les prisonniers puissent s’organiser en tant que syndicat, en droit associatif et qu’on puisse avoir des délégués, ça a jamais été accepté.
Je pense déjà qu’on avait plus de solidarité. C’est vrai que nous on avait pas les téléphones portables comme ils ont aujourd’hui mais y’avvait plus de solidarité au niveau des luttes. Des fois ça pouvait être un mec tout seul qui va lutter et les gens vont le rejoindre, des fois c’est plusieurs mecs en même qui dans la cour vont faire un discours sur tel ou tel problème en demandant de rester dans la cour, de pas remonter. On suivait quoi.
Je vais te parler d’un endroit qui pour moi en prison est important. Quand j’étais à la centrale de Poissy à un moment y’a des camarades qui ont refusé de descendre le carton, parce que moi je travaillais dans un atelier on faisait les péritels tu vois les péritels c’est ce que tu mets derrière les magnétoscopes tout ça là et on descendait les cartons parce qu’en bas y’avait le concessionnaire qui venait avec une remorque pour récupérer les cartons. Et les camarades ils ont refusé de descendre les cartons parce qu’ils ont dit si jamais on tombe on se casse le pied ou la main, on est déclassés. Ça veut dire que t’es mis au chômage et tu travailles plus. Ça veut dire que les camarades ils disaient y’a pas d’accident de travail. Et à on a fait un mouvement par rapport à ça. Et même cette loi ensuite elle est rentrée dans les revendications de la coordination des prisonniers en lutte, on a dit oui c’est vrai que dans le droit du travail le prisonnier, son droit il est pas reconnu. On travaille et si on se blesse y’a pas d’accident de travail y’a rien du tout.
Pis même dans les ateliers tu te fais des camarades. Souvent on se voit tous les jours dans l’atelier. Des supers camarades. Fanfan, Siforlet (?) qui était décédé le pauvre quand il est sorti dehors en moto, il s’appelait François Siforlet, on l’appelait Fanfan. C’était un ami de Charlie Bauer, il marchait toujours avec Charlie Bauer, c’était un vrai syndicaliste, un militant grave. Je l’ai rencontré dans l’atelier. C’est lui d’ailleurs qui avait refusé de descendre les cartons le jour où y’a eu le mouvement. C’est lui qui avait refusé de descendre et qui nous avait parlé après de la revendication des travailleurs, que c’était pas normal et tout ça. J’ai rencontré des mecs formidables dans l’atelier.
Nadia Menenger : Ce qui s’est passé, c’est que dans les mi-80, fin 80, y’a eu les prisonniers d’Action Directe qui ont mobilisé autour de leur sortie de l’isolement à eux. Et nous on avait envie de poser la question de manière plus générale, et c’est en réponse un peu à cette particularité qu’on voulu monter le CAIC pour demander sa suppression, mais pour tout le monde. C’est-à-dire en tant que principe c’était inadmissible aussi bien pour des prisonniers politiques que pour des prisonniers sociaux.
Et donc on a monté ce comité. Donc ce qu’on a fait c’est qu’on a déjà dans un premier temps demandé beaucoup de témoignages pour arriver à faire comprendre à faire comprendre que les QHS et les quartiers d’isolement c’était la même chose et que donc les raisons de se battre contre les QI restaient complètement valable. On a essayé de répertorier aussi tous les prisonniers qui étaient en quartier d’isolement, à l’époque on avait réussi à en répertorier et être en contact avec à peu près 80 prisonniers. Et puis on a soutenu les mutineries, les luttes, les grèves de la faim, enfin tout ce qui pouvait mettre sur le devant de la scène ces conditions de détention absolument d’un autre temps et complètement inadmissibles. Et il y a aussi des prisonniers qui sont venus nous rejoindre.
Mohamed Hocine : Ouais j’en ai fait partie dedans et dehors. Même quand je suis sorti j’ai rejoins le collectif qui existait dehors et puis on a fait des actions, on a même occupé la Ligue des droits de l’homme, toute une journée toute une nuit pour obliger la Ligue des droits de l’homme à faire un rapport sur les quartiers d’isolement.
Nadia Menenger : On réfléchissait et on essayait d’enquêter sur le sujet qu’on prenait qu’on prenait à bras le corps et on avait à la fois une commission sur la question de la santé, puisque à l’époque, ça a un peu changé, les médecins valident le fait de maintenir en quartier d’isolement les prisonniers. Et nous on estimait à juste titre, qu’un médecin ne pouvait pas prescrire une forme de torture blanche. Donc on essayait de travailler avec des médecins pour qu’ils prennent conscience de ça et qu’ils ne valident pas la mise en quartier d’isolement. Donc il y avait une commission juridique où justement on essayait de réfléchir sur comment on pouvait attaquer la question de l’isolement carcéral dans des plaintes, des procès etc. et des soutiens aux mutineries et aux mouvements. Donc y’avait une commission un peu qui réfléchissait à la question juridique. Et puis aussi après c’était les actions, comment se faire voir, entendre… Donc on travaillait d’une manière assez structurée.
Comité pour l’abolition de l’isolement carcéral (CAIC) au micro de Radio Libertaire (1989) : Et sinon y’a une adresse où le comité peut être contacté, c’est donc le CAIC, comité pour l’abolition de l’isolement carcéral, 29 rue Stephenson, 75018 Paris. Le comité fait une permanence tous les samedis entre 15h et 19h.Il peut être joint au téléphone suivant : 42 52 44 82. 42 52 44 82. Et bien sûr on a besoin, si des gens sont intéressés, on a besoin du plus de monde possible parce que c’est vrai que… bon là on essaye de travailler par groupe de travail parce qu’il y a toujours des gens à voir, aller voir des familles, c’est ça aussi qu’il faut multiplier. Faut mulitplier les contacts avec les détenus et nous ce qu’on dit c’est que chacun en effet a ses problèmes, chacun pense qu’il peut les réduire tout seul, qu’il peut les résoudre tout seul. Nous on pense que c’est pas vrai. Nous on pense que plus les gens se battent, plus les gens s’organisent, plus les gens se regroupent plus ils sont forts. C’est s^ru que la prison c’est un monde qui est dur, fin vous qui êtes dedans vous savez sûrement mieux que moi. Mais les événements passés, tout ce qui se passe a démontré que plus vous étiez regroupé mieux ça se passait pour tout le monde, et de toute façon en sachant aussi qu’à l’extérieur il y a un relai. Donc c’est pour ça que le maximum d’informations est important, que ce soit d’ailleurs pour les histoire d’isolement ou pour l’isolement général.
Lecture « Contre les QHS et l’isolement, sans cesse », Rebelle n°1, 1982 : La précédente grève, si elle avait pu emporter la victoire de rompre l’isolement interne, s’était terminée sur une situation de ni guerre, ni paix, en ce que le maintien du Q.H.S. restait une réalité entière, comme on a pu le constater avec la dernière grève. Mais celle-ci, au-delà des données conjoncturelles qui la caractérisent doit être analysée en tant que prolongement d’une lutte antérieure qui a su laisser des traces…
Lecture Collectif de Bois d’Arcy (1990) : « Le Comité pour l’abolition de l’isolement carcéral publiera tous les mois un bulletin d’information sur les quartiers d’isolements. Ce bulletin aura pour objectif d’informer le plus largement possible l’opinion publique sur la réalité des quartiers d’isolement, et de relayer les informations concernant les luttes qui se mènent aussi bien à l’intérieur des prisons qu’à l’extérieur. Le mouvement contre l’isolement carcéral doit se nourrir de multiples expériences de lutte, ce bulletin se doit d’être le porte-parole et le témoignage vivant des différents moments de la confrontation afin de renforcer l’unité entre les détenu.es isolé.es.
Pour rendre compte du polymorphisme de l’isolement carcéral, nous publierons les témoignages oraux et les textes qui nous parviendrons.
Le bulletin sera l’expression des détenus, de leur famille ou des associations et individus qui se mobilisent contre l’isolement carcéral.
Nadia Menenger : Les quartiers disciplinaires, les mitards, c’est une cellule de punition où quand un prisonnier, fin quand l’AP estime qu’un prisonnier a commis une faute, il passe devant un tribunal. Alors depuis début 2000 ils peuvent être assistés par un avocat et ce tribunal interne à la prison va donner une peine, à l’époque c’était 45 jours, je crois que maintenant c’est un peu moins. Mais du coup ça veut dire que pendant 1, 2, 3, 4 semaines le prisonnier est enfermé, pareil, dans une cellule, tout seul.
Extrait « Fermer les mitard #3 » Christine : Au mitard, la cellule elle est vide, vide, complètement vide. Y’a le matelas, y’a la table fixée au mur et on a pas les photos de nos enfants, on a pas de vêtements et on a rien. Et on est là à attendre, ça dure 30 jours au maximum et on attend. Et on attend parce qu’en fait quand on est mitard les seuls gens qu’on voit c’est les matons, ils ne viennent que pour nous amener le repas ou nous amener à la douche, ou nous emmener à la promenade 1h par jour où on est aussi seuls. Donc en fait on est complètement seuls et la solitude c’est quelque chose qui mange le cerveau.
Nadia Menenger : Et ce qui est important de dire c’est que suvent, pour dire la violence en plus de cette incarcération encore plus dure que la détention normale, c’est dans ces quarteirs disciplinaires qu’il y a le plus de suicides et qu’il y a malheureusement aussi des prisonniers qu’on retrouve morts dans des conditions pas toujours bien élucidées. Donc c’est toujours dans ces quartiers à l’abris du regard des autres, dans ces endroits où règnent finalement vraiment l’administration pénitentiaire et les surveillants où il se passe le plus d’horreurs et qui peuvent aller jusqu’à la mort.
Extrait INA (1982) : Mais en plus de cette prison, y’a encore la grille, la grille qui me sert de 2e prison. Bon il suffit que je regarde la grille pour me sentir vraiment isolé, vraiment dans la solitude.
Nadia Menenger : Depuis les années 1970 ce qu’on peut voir c’est en fait une systématisation de l’isolement. Alors c’est assez intéressant de constater que plus ça va, plus les prisonniers sont isolés, y’a plein plein plein de formes d’isolement différent, de formes de détention différentes. Aujourd’hui avec des peines qui sont de plus en plus longues parce que la longueur des peines ne fait que s’allonger. A chaque fois je prends cet exemple là mais c’est vrai que dans les années 1970, une peine maximum elle était autour de 18 ans et ça paraissait déjà à l’époque complètement dément quoi, 18 ans… Mais une perpétuité c’était ça, c’est 18 ans. Et aujourd’hu on atteint des 30 ans sans problème avec une volonté d’aller vers la peprétuité réelle avec la rétention de sureté. Et donc du coup comment ut peux maintenir une personne en lui disant qu’il ne sortira jamais, c’est incommensurable, c’est inimaginable. Et du coup comment tu tiens les gens si c’est pas en leur disant « bon écoute si tu te calmes pas tu vas aller en quartier d’isolement et puis tu vas crever là-dedans, de toute manière plus personne n’entendra plus jamais parler de toi et tu vas être emmuré vivant. Donc il va falloir que tu gères ta peine. » Donc on est vraiment… c’est le prisonnier citoyen qui autogère sa peine et qui fait que s’il se retrouve en quartier d’isolement ou en quartier disciplinaire bah c’est de ça faut hein il a mal géré. C’est plus une critique politique d’un système qui essaye de te détruire, c’est toi qui a mal géré ta détention.
Mohamed Hocine : bah moi je sais que quand je suis retourné en détention j’ai poursuivi la lutte. Bon bien sûr t’es content, tu vois les camarades, tu bois un café avec un autre camarade, bah oui t’es content c’est clair. Tu retrouves la promenade où tu vas pouvoir faire tes footings où t’as plus d’espace pour cavaler et tout ça, faire ton sport… Voilà t’es content mais bon. Mais eux ils te surveillent grave, de toute façon dès que tu sors d’isolement et que tu rentres en détention, moi c’’est ce qu’on m’avait dit, on m’avait dit voilà vous allez ressortir mais le moindre petit truc vous retournez à l’isolement.
Nadia Menenger : Donc ça c’est vraiment un processus sur lequel il faudrait réfléchir, été nous à l’Envolée au début on avait vachement réfléchi sur cette question là de savoir comment c’est possible qu’une situation ait pu révolter autant de gens dans les années 1970 jusqu’à mener à la fermeture des QHS comme étant au niveau électoral quelque chose qu’il fallait absolument abroger et comment aujourd’hui, alors qu’il y a plus encore d’isolement on en parle plus, et que ça nous parait même plus choquant ? C’est vraiment quelque chose sur lequel il faut réfléchir et nous on pensait à l’époque qu’il fallait justement le lier avec nos conditions de vie à l’extérieur qui font est de plus en plus isolés à l’extérieurs et donc du coup quelque part c’est quelque chose qu’on a complètement assimilé comme quelque chose de normal alors qu’on sais que sanas relation avec les autres on meurt, on meurt d’ennui, on meurt d’inintelligence… Le collectif c’est quelque chose qui nous grandit qui nous fait vivre qui nous rend libre. Et en fait là on vit dans une société où il faut avoir peur des autres, où il faut se replier sur soi, où il faut s’enfermer chez soi et donc ça parait même plus aujourd’hui inadmissible d’imaginer un être humain enfermé dans une boîte tout seul sans aucune interaction, aucune relation. Et je pense que c’est vraiment à interroger avec nos conditions de vie aujourd’hui.
Trust : Il tourne en des milliers de pas qui ne mènent nulle part
Dans un monde de béton aux arbres de barreaux fleuris, fleuris
De désespoir
Trust, archive Jacques Mesrine : « La seule chose que je sais, c’est que je suis dans une prison dont on ne s’évade pas. »
Si tu veux contacter l’émission pour un son, un big up, une infos :
📬 minuitdecousu@laposte.net
📡 @MDecousu / @minuitdecousu
☎️ 0478391815 pendant l’émission